Surveillés comme le lait sur le feu, les chiffres de l’emploi américain ont confirmé le ralentissement en cours du marché du travail et, plus largement, de l’économie américaine. Le rapport du mois d’août s’est ainsi révélé nettement plus faible qu’anticipé, avec seulement 22 000 créations nettes d’emplois non agricoles, contre 75 000 attendues par le consensus. Les chiffres des deux mois précédents ont en outre été révisés en baisse de 21 000, portant la moyenne glissante sur trois mois à moins de 30 000. Un niveau en deçà du « taux d’équilibre » de l’emploi, c’est-à-dire le nombre de créations nécessaires pour stabiliser le chômage. Dans le détail, l’affaiblissement est particulièrement marqué dans les secteurs manufacturiers, pourtant érigés en priorité par Donald Trump dans sa volonté de réindustrialiser le pays, ainsi que dans l’administration (où les suppressions de postes sont la conséquence directe des coupes budgétaires). Seuls quelques secteurs, notamment la santé, permettent de maintenir la tête hors de l’eau. L’enquête auprès des ménages confirme en partie cette fébrilité avec un taux de chômage qui progresse légèrement à 4,3% (+0,1%). Bien qu’encore relativement faible, ce niveau constitue un plus haut depuis octobre 2021. De surcroît ce chiffre est maintenu artificiellement bas du fait des expulsions de migrants qui viennent diminuer le nombre de demandeurs d’emplois.
Malgré les attaques répétées du président américain sur la fiabilité des statistiques du Bureau of Labor Statistics (BLS), l’ensemble des autres enquêtes convergent vers le même constat : la dynamique de l’emploi s’essouffle. À son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump avait prévenu d’« une petite période d’ajustement ». Nous y sommes. La question est désormais de savoir combien de temps elle durera. Bien que le marché du travail ne soit pas en rupture, les signaux d’alerte se multiplient. Après les excès post pandémie, nous sommes revenus à un fragile point d’équilibre entre offre et demande où tout semble figé. Les entreprises n’embauchent plus, privées de visibilité avec les droits de douane. Du côté des salariés, la dynamique est également à l’arrêt. La prime salariale liée aux démissions est repassée en territoire négatif, signe qu’un changement de poste n’offre plus d’augmentation, ce qui limite le turnover.
Après les propos dovish de Jerome Powell à Jackson Hole, cette publication scelle la baisse des taux directeurs de la Fed la semaine prochaine, et ce, peu importe les nombreux chiffres d’inflation prévus cette semaine (PPI, CPI et anticipations de l’Université du Michigan) qui confirmeront que la cible des 2% est désormais un vœu pieux. Pour l’heure, les marchés financiers ne s’inquiètent pas encore outre mesure de ces mauvais indicateurs. Avec des Fed Funds encore au-dessus de 4,25% et plus de 100 points de base de baisse anticipés d’ici le premier trimestre 2026, les investisseurs estiment que la Fed dispose de la marge de manœuvre nécessaire pour piloter un atterrissage en douceur de l’économie américaine. Mais à trop s’approcher de la rupture, attention à ne pas franchir la ligne de crête.
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