Côté timing, on a déjà vu mieux. Alors que les actifs américains font face, depuis quelques mois, à la défiance des investisseurs internationaux, et que le Congrès débat actuellement d’un nouveau projet de loi budgétaire, l’agence de notation Moody’s a choisi ce moment pour annoncer la dégradation de la note des États-Unis de « Aaa » à « Aa1 ».
Sur le fond, la décision de Moody’s ne constitue pas une réelle surprise. D’une part, la perspective était déjà négative depuis un an. D’autre part, Moody’s était la dernière des trois grandes agences de notation à maintenir la note maximale sur la dette américaine : Standard & Poor’s l’avait retirée dès 2011, « suivie » par Fitch en 2023. Par ailleurs, les arguments avancés par Moody’s pour justifier cette dégradation sont déjà relativement bien ancrés dans la tête des investisseurs : envolée de la dette, creusement des déficits budgétaires et alourdissement du coût de la dette. Surtout, les indicateurs de crédit américains s’écartent désormais significativement de ceux des pays encore notés Aaa par l’agence. À titre d’exemple, la charge d’intérêts — incluant la dette fédérale, celle des États et des collectivités locales — a représenté 12 % des recettes publiques américaines en 2024, contre seulement 1,6 % pour la moyenne des autres pays bénéficiant de la note suprême.
Cet avertissement devrait donner du grain à moudre à l’aile ultraconservatrice des républicains qui s’est temporairement opposée à la « grande et belle loi » budgétaire défendue par Donald Trump. Le Président souhaite notamment, en plus de plusieurs assouplissements fiscaux, prolonger les crédits d’impôt de son premier mandat qui arrivent à expiration à la fin de l’année. Problème, selon une commission indépendante du Congrès, ces mesures creuseraient le déficit de près de 5 000 milliards de dollars sur dix ans. Pour en compenser une partie, l’exécutif prévoit des coupes dans les dépenses publiques, avec en ligne de mire le programme Medicaid. Cependant, cette possibilité divise au sein même du camp républicain : les élus les plus modérés s’inquiètent de l’impact social et électoral de telles coupes, en particulier à l’approche des élections de mi-mandat. Bien que les républicains détiennent la majorité dans les deux chambres, ces dissensions internes pourraient sérieusement compliquer les négociations à venir.
Toute proportion gardée, le cas des États-Unis rappelle celui de la France en fin d’année dernière : peu, voire pas, d’impact sur les marchés à court terme mais une alerte supplémentaire sur la dégradation structurelle des finances publiques, qu’il faudra bien finir par traiter. Ce constat est d’autant plus préoccupant que la conjoncture actuelle ne joue pas en faveur d’un redressement rapide : la croissance ralentit, ce qui pèsera sur les recettes fiscales, et les incertitudes sur les droits de douane viennent renforcer les pressions sur l’économie. Au final, cette décision de Moody’s marque peut-être moins une surprise qu’un symbole, celui du début d’un lent déclassement des États-Unis.
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