L’économie américaine, ceinture noire de judo ? Les publications macroéconomiques outre-Atlantique se suivent et semblent inlassablement renvoyer le même message : elle plie… mais ne rompt pas. Cette maxime, reprise dans l’art du judo, trouve son inspiration dans l’image du saule ployant sous le poids de la neige : il se courbe sans jamais se briser, là où la rigidité mènerait à la rupture. Cette métaphore, que l’on retrouve également dans la célèbre fable de Jean de La Fontaine, Le Chêne et le Roseau, pousse à réfléchir sur la véritable force, qui ne serait pas dans l’inflexibilité, mais dans la capacité à encaisser, à s’adapter et à retrouver son équilibre. Une sagesse qui, il faut bien l’admettre, ne semble pas toujours trouver écho dans la posture du Président Trump.
Au niveau de la macroéconomie américaine justement, les chiffres publiés la semaine passée ont continué de dresser un tableau contrasté. Tout comme le saule, elle plie mais ne rompt pas, semblant encore capable d’encaisser les chocs successifs. Après avoir fait preuve d’une étonnante résilience face à une période prolongée de taux élevés, l’attention des marchés se porte désormais sur l’impact des nouveaux droits de douane. Dans ce contexte, les prix à la consommation de juillet étaient particulièrement scrutés. Côté pile, l’inflation est ressortie globalement en ligne avec les attentes et, bonne nouvelle, les prix des biens sont restés contenus (+0,2% sur un mois). Certains secteurs théoriquement très exposés, comme l’automobile neuve ou l’habillement, apparaissent même relativement épargnés. Les conséquences des droits de douane sont donc encore difficiles à mesurer : elles pourraient s’avérer moins brutales qu’anticipé, mais aussi plus diffuses dans le temps, les entreprises ayant dans l’ensemble constitué des stocks pour amortir le choc. L’impact sur les prix des biens n’en demeure pas moins tangible : en rythme annuel, les prix des biens core affichent désormais une hausse de plus de 1,1%, alors qu’ils étaient encore en territoire déflationniste en mars dernier. Côté face, et c’est là où le bât blesse, l’inflation dans les services est repartie à la hausse (+0,4% sur le mois). C’est d’autant plus problématique que les services représentent près des deux tiers de l’inflation. Plus difficile à contenir car domestiquement enracinée et beaucoup plus persistante, cette composante constitue un défi autrement plus complexe pour la Fed, et ce, alors que quelques jours plus tard la publication des prix à la production est ressortie en forte accélération.
Dans ces conditions, la Fed se retrouve plus que jamais prise entre le marteau et l’enclume. Avec une inflation globale à 2,7% et une inflation core à 3,1%, l’objectif officiel de 2% ressemble de plus en plus à un vœu pieux, d’autant que la trajectoire actuelle suggère une poursuite des pressions haussières d’ici la fin de l’année. Dans le même temps, le marché du travail envoie des signaux d’assouplissement croissant. Les positions au sein du FOMC apparaissent de plus en plus divergentes et les membres les plus dovish, peut-être à dessein, jouent le jeu de l’administration Trump. Alors que le marché intègre déjà avec une quasi-certitude une baisse de 25 bps en septembre, Jerome Powell pourrait profiter du symposium de Jackson Hole pour reprendre la main et tenter de garder une optionalité lui permettant d’ajuster le cap jusqu’au dernier moment.
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