"Trumpologie"... Socrate est un chat

07/04/2025

1 min

Dans la théorie des jeux, le dilemme du prisonnier illustre comment deux individus, normalement parfaitement rationnels, en agissant selon leurs propres intérêts peuvent aboutir à une situation collectivement défavorable. Ce paradoxe trouve naturellement un écho tout particulier dans le contexte actuel si tant est qu’on puisse qualifier la décision de Donald Trump de rationnelle tant elle semble échapper à toute logique économique. Face à cette décision unilatérale, les réponses envisagées laissent entrevoir une dynamique de non-coopération (la Chine a ainsi déjà répondu en instaurant des droits de douane d’un montant équivalent) où les réponses de court terme se font au détriment de l’équilibre global.

Chercher un syllogisme ou tout simplement une logique aristotélicienne dans les actions du Président américain semble voué à l’échec. Ses déclarations relèvent davantage du sophisme : "tous les chats sont mortels. Socrate est mortel. Donc Socrate est un chat". Cet extrait de la pièce Rhinocéros de Ionesco pourrait sans problème être prononcé par Donald Trump, avec toute l'assurance qu'on lui connaît. Or, aucun des soi-disant modérateurs sur lesquels on aurait pu compter pour se rassurer ne semble vouloir ou pouvoir intervenir. Pire, Scott Bessent, l'homme de Wall Street, défend bec et ongle la politique de guerre commerciale malgré ses premiers effets. D'un côté, Jerome Powell a déclaré vendredi dernier : "We face a highly uncertain outlook with elevated risks of both higher unemployment and higher inflation. (...) While tariffs are highly likely to generate at least a temporary rise in inflation, it is also possible that the effects could be more persistent". Le scénario de stagflation est ainsi dans toutes les têtes. De l'autre, Scott Bessent a déclaré dimanche sur NBC, avec un flegme étonnant, en commentant la correction magistrale sur les marchés et son impact pour les épargnants américains : "People have a long-term view. ... The reason the stock market is considered a good investment is because it’s a long-term investment. If you look day to day, week to week, it’s very risky. Over the long term, it’s a good investment". Pas certain que cette vision de long terme rassure les marchés. Tout ceci participerait donc de la théorie du "3-3-3" chère à Bessent et la baisse du taux 10 ans américain et du dollar en seraient déjà des résultats tangibles. Plus sérieusement, l'impact sur la croissance américaine et mondiale pourrait être significatif et le consensus table déjà sur la perte d'au moins un point de croissance pour cette année. Scott Bessent devrait méditer cette citation du président McKinley : "The period of exclusiveness is past… commercial wars are unprofitable. Reciprocity treaties are in harmony with the spirit of the times; measures of retaliation are not".

Les ajustements opérés dans notre tableau d’allocation reflètent fidèlement les mouvements réalisés au sein de nos portefeuilles au cours de la semaine écoulée. À ce stade, les droits de douane annoncés constituent un frein important pour la croissance américaine. Ils agissent comme une taxe supplémentaire sur le consommateur, dans une économie où la consommation représente près de 70 % du PIB. Cette fois-ci, les marges de manœuvre de la Fed pour soutenir l’activité à court terme seront limitées par l’inflation induite par ces nouvelles mesures tarifaires. La probabilité d’une récession aux États-Unis en 2025 s’en trouve nettement accrue, et il nous paraît essentiel d’anticiper les conséquences possibles sur les actifs américains. Sur un plan fondamental, l’impact direct sur l’Europe et la Chine devrait être moins marqué.

Toutefois, dans le contexte actuel de forte volatilité, la re-corrélation des actifs entre zones géographiques limite les espoirs de surperformance isolée. La Chine a réagi rapidement par une posture de fermeté et de réciprocité, et l’Europe pourrait emprunter la même voie, ce qui compromettrait la stratégie initiale de D. Trump. Les semaines à venir s’annoncent donc volatiles, tant que l’administration américaine ne revient pas sur ses décisions. Est-elle prête à faire machine arrière, et en a-t-elle la volonté ? Rien n’est moins sûr. Alors que, plus tôt dans l’année, les droits de douane étaient perçus comme un levier de négociation, ils semblent aujourd’hui devenir un instrument d’une vision isolationniste, marquant un véritable recul de la mondialisation. Nous resterons attentifs à toute inflexion de la politique de Donald Trump sur ce sujet. D’ici là, la prudence reste notre ligne de conduite.

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Sébastien GRASSET

Directeur Général - Directeur de l'Asset Management

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